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Rencontres du Clos Vougeot, La vigne et le vin : une histoire d’eau

Retour détaillé du contenu, par Liselore MARTIN. Le 03/10/2024. 

Discours introductifs

Lors des récentes rencontres scientifiques sur l’eau et la vigne, Laurent Delaunay, Président du Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB), a ouvert la session en soulignant l’impact significatif du changement climatique sur la viticulture. Il a observé une hétérogénéité croissante des récoltes depuis 2010, illustrée par des fluctuations extrêmes : une récolte record en 2023, suivie d’une prévision de -70% pour 2024. Laurent Delaunay a insisté sur l’engagement du BIVB à atteindre la neutralité carbone grâce à son plan « Objectif Climat », affirmant que même des réductions modestes d’émissions sont essentielles pour atténuer les effets du changement climatique. 

Philippe Lemanceau, Vice-Président de la Métropole de Dijon, a mis en avant l’importance du vignoble pour l’identité locale et le rayonnement de la Bourgogne, traduit notamment par le nouveau siège de l’OIV à Dijon, tandis qu’Anne Parent, du Conseil Départemental de Côte d’Or, a appelé à des pratiques durables et à une gestion responsable de l’eau. 

Conférence introductive BENJAMIN BOIS. L’eau et la vitiviniculture dans le monde ; contexte et enjeux.  

L’eau et la vigne

Benjamin BOIS, spécialiste des relations climat – viticulture, à l’IUVV, précise le contexte entre eau, vigne et vin.  

L’eau participe  à : 

  • la circulation des différents produits qui servent à la vie des végétaux ; et à la dissolution des minéraux pour la nutrition des plantes.  
  • la contribution à la turgescence cellulaire (croissance et maintien des cellules). 
  • le maintien (port) du végétal ; et donc aussi à la croissance des baies en 2ème phase. 
  • la photosynthèse. Se dégrade pour alimenter en H2 les composés carbonés et glucose produit dans le cadre de la photosynthèse. 
  • la régulation thermique et transmetteur d’énergie (climat), avec les techniques de brumisation ou d’aspersion par exemple.  

L’eau a aussi un impact sur la quantité et la qualité des raisins : 

  • Sur la quantité, parce que la pluie lessive le pollen lors de la florescence, parce que l’eau impacte la turgescence des baies et le stress hydrique impacte le nombre d’inflorescences.   
  • Sur la qualité, le rôle crucial de la contrainte hydrique sur la qualité des vins a été mis en évidence scientifiquement (concentration des molécules aromatiques, anthocyane, coloration, etc.). 

L’eau dans les pratiques viticoles, le travail et la santé du vignoble

  • L’eau favorisent la prolifération et le déplacement des parasites.  
  • Elle peut être utilisée pour lutter contre le phylloxera (par submersion des pieds). 
  • Elle influence l’efficacité des traitements, puisque le produit doit rester et pénétrer dans la plantes. Donc il faut éviter les lessivages précoces.  
  • Elle influence les passages en parcelle : si les sols sont sensibles à la compaction, l’humidité du sol peut impacter la qualité du sol sur le long terme.  
  • Les précipitations intenses affectent les récoltes.  
  • Dans un climat chaud et humide, l’effort dans les parcelles peut être dangereux pour l’Homme.  

On estime qu’il faut 860L pour produire 1kg de raisin, dont 600L d’eau verte, 140L d’eau bleue et 120L d’eau grise.  

L’eau et la production de vin

Les chiffres présentés montrent entre 2 et 10L d’eau consommée pour l’utilisation en vinification pour une bouteille de vin. Cette consommation dépend beaucoup de la taille de l’exploitation et de l’élevage. Le fut est fortement consommateur, notamment pour ses nettoyages et rinçages.  

L’eau et le vieillissement du vin  : 

  • Chai et humidité élevée pour éviter les mouillages répétés.  
  • Il y a des recherches actuellement sur l’intérêt de faire vieillir les vins dans la mer.  

Eau et changement climatique

Les projections climatiques et modèles estiment un déficit de précipitations fort probable en période estivale. Avec une température qui s’élève sur la planète, la demande évaporative grandit. Cela a pour conséquence d’avoir beaucoup moins d’eau disponible dans les régions viticoles.  

  • Développement économique, accroissement de la population et changement climatique créent des tensions vis-à-vis de l’accès à l’eau.  
  • La culture de la vigne, nécessite, comme toutes cultures, des ressources en eau douce. 
  • Contexte international juridique encourage l’usage raisonnable de l’eau. A l’OIV, un travail est mené sur le bilan de l’empreinte de l’eau.  
  • Vigne adaptée à la sécheresse & connaissance agronomique millénaire.  

Matériel Végétal, couverts, érosion, irrigation, système de conduite, réut’ : ce qu’il faut retenir des présentations 

Les conférences de l’après-midi font intervenir les Universités de Bourgogne et de Bordeaux, Bordeaux Sciences Agro, l’IFV, INRAe. Synthèse des éléments à retenir. 

Le matériel végétal, un levier d’adaptation à la contrainte hydrique : avec les différents cépages, les clones et les portes greffes, il s’agit de trouver la combinaison gagnante et le bon équilibre productivité / résistance. Le système est complexe et la recherche veut identifier des régions génétiques et caractères cibles sur la conductivité hydraulique par exemple. Le porte greffe peut répondre à plusieurs enjeux : capacité d’extraction de l’eau du sol, effet sur la transpiration du greffon. Les travaux se tiennent sur les qualités agronomiques, sécheresse, vigueur, reprise au greffage (caractères dit de pépinière) 

Concurrence hydrique et couverts végétaux : les leviers sont nombreux pour adapter les couverts au vignoble, en limitant la concurrence hydrique. On peut agir sur le taux de couverture, les espèces, les choix tactiques (destruction, tonte, durée de présence), les engrais verts. En les combinant, les options sont multipliées. Les couverts ont un rôle important pour la matière organique, la structure du sol, les alternatives aux herbicides, l’augmentation de l’infiltration dans le sol, mais 80% des vignes sont affectées par la concurrence ; et Laure GONTIER a ensuite expliquer ce mécanisme de concurrence qui permet d’adapter la stratégie. 

L’érosion des vignobles et les moyens de préserver les sols : les sols viticoles sont ceux qui s’érodent le plus rapidement (de 1 à 3mm par an). L’inclinaison et la longueur de la pente sont des facteurs d’aggravation de l’érosion. Les leviers existants sont :remontée de terre, aménagement de parcelle (murets de pierre qui facilitent aussi l’infiltration de l’eau, chevets, collecteurs des eaux), et le mode de gestion et d’entretien des sols (par exemple, l’enherbement permanent limite les effets importants des pluies automnales). 

Vigne et irrigation, un débat passionné et passionnant : 90% des vignes en France son non irriguées. La Région du Languedoc Roussillon travaille plus précisément ce sujet, et les chiffres sont intéressants. Le cout financier de l’irrigation est qualifié d’« assez supportable » (300 à 600€/ha/an), il représente 10 à 15% du cout de production, mais c’est largement compensé par la production supérieure. En revanche, le cout pour la collectivité est très important et finalement les installations irriguées se font de plus en plus en plaine où l’acheminent est moins cher. Le cout environnemental de l’irrigation et l’intervenant avance qu’une vigne installée au goutte à goutte est moins résiliente à la sécheresse ensuite. 

Les systèmes de conduite le mieux adaptés pour limiter les pertes en eau : on estime un besoin à 450m3 d’eau par ha. de vigne. C’est peu par rapport à des cultures exotiques comme la canne à sucre ou les bananes, et c’est proche de la production de pomme. Les facteurs d’un système de conduite qui permettent à la vigne d’avoir un état hydrique optimal sont l’orientation des rangs (Est-Ouest, mieux que toutes les autres orientations), densité de plantation, surface foliaire totale et exposée et hauteur du tronc moindre, quand la fonctionnalité du xylème et l’ombrage doivent être plus important.  

L’utilisation des eaux recyclées pour la vigne : « possible mais pas si simple ». Les recharges d’eau hivernales sont de moins en mois importante, la réutilisation de l’eau devient un enjeu. L’eau recyclée est notée sur différents niveaux de qualité et ces niveaux en déterminent l’usage possible (par la réglementation et un arrêté en 2023 pour la vigne notamment). Les projets sont en cours d’étude, et on se confronte à des limites méthodologiques car si certaines molécules néfastes sont faciles à détecter dans l’eau, leur présence dans le vin, avec l’alcool et le sucre, sont plus difficiles à identifier.  

Conclusions

L’irrigation reste le seul moyen pour la vigne de résister à une contrainte hydrique très forte, le choix du porte greffe aura un impact plus important, que les décisions du système de conduite, lui-même plus impactant que la mise en place d’un couvert. Néanmoins, l’ensemble des leviers doivent être étudiés et en fonction des possibilités sur l’exploitation, certains choix sont plus faciles à mettre en place.  

On note aussi que ces travaux de recherche se concentrent beaucoup sur les Régions du Sud de la France (Languedoc Roussillon, Bordeaux), et peu en Bourgogne. L’évolution du climat (méditerranéen en Bourgogne) nous rend optimiste sur l’intérêt de ces travaux pour notre Région.  

Certaines conclusions se tournent aussi exclusivement sur l’empreinte de l’eau. Néanmoins, dans un système de vigne irriguée, les couverts sont généralement beaucoup plus fréquents, ce qui améliore la séquestration de carbone dans les sols. Cela ne pourrait-il pas avoir un sens dans une optique agroécologique plus large que l’empreinte eau ?  (Lionel Ranjar).  

L’agroforesterie et donc la vitiforesterie est la grande absente du programme, elle a fait l’objet de plusieurs questions parmi les participants. Le lien avec l’eau n’a que très peu été étudié dans le cadre du projet Vitiforest.  

Dans chacune des présentations, les facteurs ont été pris seuls à seuls pour présenter les résultats. Finalement, nous n’avons pas de chiffre pour un couple porte greffe/greffon, sur un cépage, avec un système de conduite choisi, et une tactique définie. Au vu de la quantité de possibilités, on peut imaginer aussi que certains choix se révèlent antinomiques. Cette journée montre aussi la problématique du temps long de la recherche, par rapport à l’urgence et la vitesse du changement climatique. 

Le programme des 2 autres journées est riche et aborde des exemples étrangers (Suisse, Espagne), des cas pratiques liés aux maladies (mildiou, submersion contre le phylloxera), et la dimension humaine et sociale de l’eau et du vin (transport, conservation, histoire).  

Pour aller plus loin :  

  • Vitiforesterie : 
  • Irrigation et vigne :  

Retrouvez le programme complet et les intervenants  : https://chaireunesco-vinetculture.u-bourgogne.fr/les-rencontres-du-clos-vougeot-2024/ 

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