Dans un contexte de transition agroécologique, les solutions complémentaires aux moyens traditionnels de santé des plantes sont plus qu’attendues par les filières agricoles. Leurs objectifs : maintenir une agriculture productive et présentant un impact environnemental réduit.
Le domaine des biosolutions est en pleine ébullition, en témoigne la mobilisation importante des acteurs sur des événements tels que la Journée Sol et Biosolutions. Des échanges riches et des points de vues parfois divergents, représentatifs d’une filière en pleine transition.
Biosolutions : Une filière mobilisée pour la transition agricole
Agriculteurs, conseillers, techniciens, professionnels des agrofournitures et acteurs du développement agricole : c’est toute une filière qui s’est rassemblée le 17 novembre à Bretenière, au sein de la pépinière AgrOnov.
Un rassemblement en trois temps, articulé autour d’un cycle de conférence, d’une table ronde de la filière, et enfin d’une exposition des solutions innovantes développées par les startups et les PME.
Quelles définitions et réglementations autour des biosolutions et du sol ?
Pierre-Alain MARON, directeur de recherches dans l’unité Agroécologie de l’INRAe ; Flora LIMACHE, responsable des affaires techniques et réglementaires au sein de l’IBMA France et Laurent LARGANT, directeur d’AFAÏA se sont réunis en session plénière autour du constat « Sol et biosolutions : où en est-on ? ».
Comment définir le sol et les biosolutions ?
Pierre-Alain MARON rappelle premièrement que le sol est plus qu’un support de production, c’est également un réservoir de diversité microbienne qui est à préserver. Quant aux biosolutions, leur définition n’est pour l’instant pas définie de manière réglementaire. Flora LIMACHE les définit comme « l’ensemble des solutions d’origine naturelle, destinées à protéger les plantes, leur apporter des nutriments ou les stimuler leur croissance et développement. »
Une réglementation en cours de construction ?
L’objet de la réglementation a ensuite été au coeur des échanges. Les éclairages apporté par les intervenants soulignent les différences existantes dans les réglementations entre la France et l’Europe, et la nécessité de caractériser et de qualifier l’efficacité de ces produits. Laurent LARGANT ( AFAÏA ) précise même que le terme « bio » dans les biofertilisants serait trop confusant et qu’il préfère utiliser le concept de « fertilisant d’origine renouvelable ».
Le sol et la vie du sol n’est pas régi par une directive, comme cela peut l’être pour l’eau. Une consultation est en cours et parvenir à l’instauration d’une directive est un enjeu important car le sol est une ressource essentielle.
Des constats qui n’ont pas manqué de faire réagir le public, autour de questions centrées autour de différents aspects comme : la réalisation de tests écologiques après l’utilisation d’un biostimulant pour déterminer son impact sur les communautés du sol ? L’existence de tests et de référentiels pour l’interprétation des résultats ? Au niveau intérêt agronomique, il y a-t-il un consensus pour savoir à quelle profondeur d’un sol on s’intéresse ? Et quels sont les effets sur le sol d’apport de fumier ou de digestat ?
Quels atouts et contraintes pour le transfert des solutions dans les cours de ferme ?
Une table-ronde a traité le sujet « Les biosolutions : atouts et contraintes agronomiques pour la durabilité des exploitations agricoles ? » réunissant les intervenants suivants : Margaux BLONDON, chargée de dossier Sol au sein de l’Alliance BFC ; Julien HALSKA, conseiller grandes cultures biologiques de BioBourgogne ; Florent BIDAUT, responsable expérimentation viticole au sein du Vinipôle et de la Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire ; Lionel RANJARD, directeur de recherches dans l’UMR Agroécologie de l’INRAe et Cécile LE GALL, chargée d’études évaluation des biostimulants au sein de Terres Inovia.
L’utilisation des biostimulants a augmenté de 15% entre 2015 et 2020. Cette augmentation montre la dynamique française de la transition agroécologique et la volonté de réduire l’utilisation de produits de synthèse.
Julien HALSKA (Biobourgogne) rappelle la très grande diversité de biosolutions disponibles et la difficulté que peuvent rencontrer agriculteurs et conseillers pour naviguer dans cette offre.
Quels sont les besoins et les marques d’intérêts de la part des agriculteurs ?
Les besoins majoritaires du terrain agricole sont la protection et la nutrition des cultures, ainsi que la résistance au stress hydrique.
Concernant la viticulture, Florent BIDAUT rappelle les intérêts du biocontrôle notamment en termes de marketing et d’image, mais aussi en tant que levier pour la diminution du recours aux intrants de synthèse.
Quels critères pour l’utilisation des solutions par les agriculteurs ?
Pour l’agriculteur, c’est l’effet des biostimulants sur le rendement qui reste l’indicateur le plus important, rapelle Cécile LE GALL (Terres Inovia). C’est ce critère qui va influencer l’agriculteur sur l’application du produit ou non sur les campagnes suivantes. Lionel RANJARD souligne la nature vivante des biosolutions qui les distinguent des produits phytosanitaires classiques, et que le vivant reste par définition variable.
Les différents conseillers autour de la table rejoignent Margaux BLONDON (Alliance BFC) dans le constat de la complexité de recommander les agriculteurs sur le sujet des biosolutions, notamment par rapport à la variabilité de leurs effets en regard de l’impact économique sur le résultat des exploitations. Les acteurs du conseil expriment des attentes sur la régularité et la significativité des résultats pour accompagner les agriculteurs par rapport aux biosolutions.
Des attentes claires, qui représentent un challenge face à la nature vivante des biosolutions (comme exprimé précédemment), mais qui témoignent d’un intérêt marqué de la part des organismes de conseil pour ces nouvelles solutions qui représente un espoir face aux enjeux actuels.
Comment faire circuler les informations ?
Face à ces attentes, les intervenants prodiguent leurs conseils pour une meilleure communication des avancées réalisées par les entreprises productrices de biosolutions. Dans la même mesure que d’autres produits passés ou actuels, les entreprises sont invitées à participer et/ou organiser des journées spécifiques pour conseiller et faire connaitre leurs produits. Cependant, pour les intervenants il ne doit pas y avoir qu’une descente de l’information via des expérimentations, des essais protocolaires et académiques, mais aussi des retours sur les observations qualitatives réalisées sur le terrain. Les biosolutions s’intègrent dans un système de production complexe et multifactoriel. Quand les agriculteurs testent des solutions et qu’elles fonctionnent, ils gardent ces pratiques et c’est cela qu’il faut saisir dans les exploitations pour servir le collectif.
Ces derniers échanges ont fait réagir la salle en questionnant et interpellant les intervenants sur des problèmes de stabilité des produits qui pourraient influencer la reproductibilité ; sur le prix et les connaissances apportés par les analyses de sol et de mycorhizes ; sur la manière la plus pertinente de conduire des expérimentations en partenariat entre les acteurs du terrain et les entreprises pour aboutir sur des résultats et la définition des allégations. Le Conseil Régional de BFC a d’ailleurs évoqué la possibilité de soutenir financièrement les structures travaillant sur le sujet.
Les biosolutions disponibles développées par les entreprises
Après un déjeuner pour faire le plein d’énergie et de contacts, différentes entreprises se sont réunies autour d’un mini-salon pour présenter leurs solutions innovantes au public.
AlgaEnergy, Amiroy, ARDPI Biotech, ToCrop, Elicit Plant, INOCULUMplus, GAIAGO, MyAgroLab, Novasol Experts, SAYENS, Pépinière Naudet et Up’ness ont pu présenter leurs produits et savoir-faire aux agriculteurs, conseillers techniques et professionnels agricoles présents et intéressés par ces solutions.
Une démarche qui s’inscrit directement dans les échanges du matin, dédiée à l’échange, à la recontre et au dialogue entre offreurs de solutions et acteurs de terrain.
Conclusion : Les biosolutions représentent sans équivoque un outil intéressant pour la transition, qui nécessite d’être perfectionné pour faciliter son transfert au terrain. Si leur impact positif sur la santé des sols et des plantes est avéré par certains utilisateurs, leur aspect reproductible est une attente majeure des instituts de recherche et des OPA. Ces acteurs sont néanmoins en demande de poursuite d’expérimentation pour pouvoir rajouter une corde à leur arc. Un défi du vivant qui se présente aux entreprises qui développent ces solutions, mais qui ne pourra se jouer qu’à l’échelle d’une filière et d’un travail collectif.