Décembre 2024 – Les outils, dans le cadre de la transition agricole, sont multiples. Le drone fait partie intégrante de ces outils. Mais connaissons-nous toutes les opportunités qu’offre le drone ? Objet volant, quelle réglementation encadre son utilisation ? Ce sont les questions sur lesquelles se sont penchés Auxerre Drone Expertise, le Cabinet d’avocats Brocherieux et AgrOnov pour rédiger cet article.
Le monde du “drone” est vaste et ne se limite pas uniquement au drone aérien. En effet, le terme générique “drone” regroupe plusieurs domaines d’activité et nous parlons plutôt de drone ATAS (Aériens, Terrestres, Aquatiques et Subaquatiques). Chaque secteur d’intervention a sa propre réglementation. Ainsi, chaque matériel va avoir son utilité dans un secteur d’activité précis. Deux types de drones sont actuellement utilisés dans le secteur agricole : les drones aériens (UAS) et les drones terrestres (rover).
Les drones sont des outils au même titre qu’un tracteur ou qu’une perceuse, l’usage de ces outils n’en fait pas des métiers mais nécessite d’être formé spécifiquement afin de garantir le maximum de sécurité lors de leur utilisation.
Le drone dans le monde agricole peut permettre de répondre plus facilement à certaines problématiques et de manière plus efficace que ce qui pouvait être fait jusqu’à maintenant. Il peut également limiter l’exposition à certains produits en viticulture par exemple, par l’emploi d’un drone aérien pour la pulvérisation en forte pente (> 30 %), évitant d’exposer une personne à une pulvérisation manuelle longue et compliquée.
Le drone et ses multiples utilisations agricoles actuelles
Nombre d’acteurs agricoles l’utilisent déjà ou se questionnent sur l’utilisation du drone dans leurs missions quotidiennes. Chaque filière agricole, du monde végétal au monde animal, peut trouver une utilité au drone.
Pour les filières végétales, le drone a un nombre très important d’utilisations, autant sur le suivi des itinéraires techniques que sur les expérimentations :
- Suivi de l’état de la végétation (NDVI, NDVE, stress hydrique…), qui a pour objectif de déterminer les besoins des plantes (fertilisation mais aussi contrôles des agresseurs). Cela permettra, grâce à l’importation de la carte de modulation produite par le drone, de moduler les différents intrants (eau, fertilisation, contrôle des agresseurs…
- Suivi des essais sur de nombreux indicateurs afin de faciliter l’évolution des indicateurs : nombre d’épis, résistance aux maladies et ravageurs…
- Traitement de certaines maladies ou nuisibles (carpocapse, trichogramme…) mais également réaliser l’épandage de semences notamment pour les semis sous couverts.
- Le drone permet également de faire une estimation des dégâts sur les cultures : gibier, verse…
Pour la filière animale, l’utilisation récente du drone se développe notamment sur le suivi des cheptels.
Dans ces exemples nous ne parlons que de drone aérien, certains fabricants de matériel autonome agricole proposent également des drones terrestres, appelés rover. Les utilisations sont aussi nombreuses : suivi de la qualité des céréales dans les silos, effarouchage…
La réglementation est moins contraignante pour les drones terrestres que pour les drones aériens qui nécessite une veille réglementaire importante et beaucoup de formation pour l’utilisation du matériel.
Une réglementation stricte entourant le drone
La France a été l’un des premiers pays de l’Union européenne à réglementer l’activité des drones par deux arrêtés en date du 11 avril 2012. Ces règles ont fait naître « le droit des drones » dont la réglementation est toujours et encore mouvante puisque très récente. L’Union Européenne a fait le choix de fixer un corps de règle au sein de son règlement UE 2018/1139. Une stratégie « Drone 2.0 » a été décidée par la Commission européenne le 29 novembre 2022 afin de fixer des objectifs réglementaires.
Pour définir le drone, l’arrêté du 3 décembre 2020 a retenu la notion d’« aéronefs civils sans équipage à bord ». La Commission européenne a retenu des caractéristiques pour les drones civils dont une technologie englobant différents aéronefs ; une masse maximale ; une autonomie de vol et une vitesse. La règlementation européenne distingue les différents drones en fonction de leurs usages, de l’utilisateur et de leurs poids.
Conformément à l’article 1er de la loi n° 2016-1428 du 24 octobre 2016, la formalité de l’immatriculation n’est obligatoire que pour « les aéronefs sans personne à bord et opérés par un télépilote et dont la masse excède 25 kg ». Au sujet de l’enregistrement du drone, la loi du 24 octobre 2016 renvoie au décret n° 2018-374 du 18 mai 2018 relatif aux seuils de masse. Ce décret a retenu le poids minimal de 800 grammes pour l’enregistrement visé à l’article L 6111-1 du code des transports. Enfin, les drones pesant plus de 800 grammes sont équipés de dispositifs de signalement lumineux, électronique ou numérique, conformément à l’article L. 34-9-2 du Code des postes et des communications électroniques.
Ce qui différencie le drone des autres aéronefs est l’absence d’équipage en son sein. L’article L 6214-1 du code des transports définie le « télépilote » ou « le pilote à distance » sur la base de la définition visée au paragraphe 27 de l’article 3 au règlement délégué (UE) 2019/945. L’article 9 du règlement européen 2019/947 fixe un âge minimum de 16 ans pour piloter un drone. Il s’agit de la règlementation européenne, celle-ci permettant aux Etats membres d’abaisser cette limite d’âge : la France a décidé d’abaisser à 14 ans. Par ailleurs, le pilote doit suivre une formation avant d’exploiter le drone s’il pèse plus de 800 grammes, et lorsque celui-ci est utilisé au sein de clubs et associations d’aéromodélisme au sens du règlement d’exécution (UE) 2019/947 (Code des transports article L 6214-2).
Le règlement d’exécution (UE) 2019/947 du 24 mai 2019 met en lumière trois catégories pour exploiter un aéronef :
- La catégorie dite ouverte : opérations à risque très limités en matière de dommages potentiels en vol et au sol. L’aéronef concerné pour la catégorie ouverte doit peser moins de 25 kg, vol au maximum à 120 m de hauteur et doit s’interdire de survoler un rassemblement de personnes. En France, il faut avoir a minima 14 ans et avoir obtenu un examen en ligne. Ici, l’épandage de produit est interdit !
- La catégorie dite spécifique : utilisation professionnelle de l’aéronef pour des opérations dites à risque modéré. Le drone utilisé doit présenter des caractéristiques précises : envergure inférieure à 3 mètres, poids inférieur à 25 kg et respecter une hauteur de vol inférieur à 120 mètres.
- La catégorie dite certifiée : utilisation à haut risque des aéronefs : transport de personnes, transport de matières dangereuses, survol de rassemblement de personnes.
Le drone peut opérer dans le même espace aérien que celui du ciel unique européen, comme pour les aéronefs avec équipage. L’utilisateur doit respecter certaines règles afin d’éviter toutes collisions avec d’autres aéronefs et donc assurer la sécurité du trafic aérien. Ces règles figurent dans une annexe du Code de l’aviation civile et sont modifiées en fonction des besoins de la circulation aérienne. L’arrêté du 3 décembre 2020 rappelle les limitations de vols de drones qui sont liées aux horaires et lieu des vols. Pour le secteur agricole, il est obligatoire de passer par une étude SORA pour l’usage de drone de plus de 25 kg. L’autorisation délivrée par la DSAC est valable un an et sera à renouveler tous les ans.
En agriculture, les drones évoluent généralement à une hauteur de 10-15 m du sol pour du largage de trichogramme ou semi sous couvert, 5 m du sol pour de la pulvérisation et 50 à 120 m du sol pour les estimations de dégâts de gibiers, la modulation d’intrants, la recherche et l’identification d’adventices, NDVI, NDVE, Stress hydrique… Pour la pulvérisation, il est obligatoire de posséder un Certiphyto.
En cas d’infractions ou d’accidents, différentes dispositions sont prises :
- La responsabilité en matière de collision entre aéronefs : Le code des transports a son article L 61311 du Code des transports qui renvoie aux dispositions du code civil en matière de responsabilité civile. Si la victime de la collision soulève la responsabilité pour faute du pilote à l’origine d’une mauvaise manœuvre, elle devra démontrer une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux premiers.
- La responsabilité en matière de dommages causés à des tiers : l’article L 6131-2 du code des transports fait foi : il existe une responsabilité de plein droit de l’utilisateur de drone sauf si ce dernier démontre une faute de la victime du dommage. La responsabilité de plein droit s’applique non seulement pour des dommages sur des personnes mais également sur les infrastructures détruites ou détériorées par l’aéronef concerné. Enfin, il faut préciser que la responsabilité du fabricant du drone pourrait être engagée également s’il existe un défaut ou un dysfonctionnement du drone.
- L’application du droit pénal prévue au sein du code des transports : Les décrets récents ont également prévu des infractions spécifiques en matière d’utilisation des drones prévues aux articles L 6142-1 et suivants du code des transports quant à l’utilisation d’un drone sans certificat d’immatriculation, marques d’identification, règles d’utilisations en vigueur évoquées précédemment.
Quels développements à venir pour le drone en agriculture ?
Le drone a déjà de multiples intérêts pour l’agriculture tant dans le cadre de la transition agricole que pour faciliter le travail des agriculteurs et opérateurs. Mais un développement de son utilisation est encore à venir tout en sachant que la réglementation va également évoluer.
De nombreux projets sur l’utilisation du drone en agriculture sont en cours. Au sein du réseau AgrOnov, nous pouvons en citer deux :
- Le projet ICAERUS sur l’utilisation du drone en élevage bovin et ovin. L’objectif est d’évaluer les risques et les impacts de l’utilisation des drones. Le projet explorera les principales applications et encouragera un usage sûr et efficient pour soutenir l’agriculture, la sylviculture et les communautés rurales dans l’Union Européenne. En Région Bourgogne-Franche-Comté, la ferme expérimentale Ferm’Inov est partenaire de ce projet dans le cadre de l’évaluation du drone dans le suivi du cheptel bovin pour faciliter le travail des éleveurs dans le pilotage de l’élevage ovins et bovins allaitants au pâturage.
- Le projet de lutte contre la pyrale du Douglas avec Auxerre Drone Expertise. Ce projet a pour ambition de trouver un protocole de lutte contre ce ravageur de nos forêts avec une solution de surveillance, de lutte intégrée et de biocontrôle.
En ce qui concerne la réglementation, elle est prête à bouger sur l’utilisation du drone en agriculture. Actuellement deux aspects réglementaires sont un frein au développement des activités agricoles par drones :
- La limitation des opérations aériennes en catégorie spécifique à des aéronefs de masse maximale au décollage à 25 kg. Or, pour une meilleure efficacité et rentabilité, il est nécessaire d’utiliser des aéronefs de 70 à 100 kg. Cela oblige l’exploitant à passer par une SORA avec des délais d’études souvent longs (3 – 6 mois) pour une utilisation rapide dans les contextes d’inondation, de forte tension due à des pathogène (mildiou …) qui nécessite une intervention immédiate et sans délai.
- L’interdiction de la pulvérisation de produit phytosanitaire ayant une AMM par drone. Peu de produits sont donc autorisés à être pulvérisés.
La réglementation devrait évoluer favorablement dans les mois et années à venir. De nombreux professionnels du secteur se battent quotidiennement pour cela.
Conclusion
Nous le voyons, le drone dans sa forme actuelle a déjà toute sa place dans le secteur agricole. Il doit permettre des économies financières et un gain de temps dans la gestion des exploitations agricoles. Des évolutions sont à venir et AgrOnov et ses adhérents ne manqueront pas de vous les partager, notamment avec les projets en cours. La réglementation va évoluer afin de faciliter son déploiement et utilisation.
En lien directe avec l’Intelligence Artificielle, l’utilisation du drone sera également au cœur des sujets traités lors de La Croisée des Champs, l’événement AI organisé par AgrOnov le 15 mai 2025 à Bretenière (21).
Article rédigé par :
- Alexis BRUHAT, chargé de relation adhérent – AgrOnov : alexis.bruhat@agronov.com
- Patrick TUIS, fondateur – Auxerre Drone Expertise : auxerredroneexpertise@gmail.com
- Maître Paul BROCHERIEUX, Avocat – Cabinet BROCHERIEUX AVOCATS : paul@brocherieux-avocats.fr