Cette année, la journée dédiée aux adhérents du réseau AgrOnov s’intéressait aux milieux forestiers pour explorer les enjeux et problématiques de filières voisines à l’agriculture : la filière bois-forêt et les projets agroforestiers.
Ce focus explore les liens qui existent entre la forêt et l’agriculture ; deux mondes qui partagent les mêmes sols et présentent des intérêts communs. Ce miroir tendu objective de présenter les filières forêt-bois-agroforesterie et d’illustrer les ponts qui existent avec l’agriculture pour s’inspirer mutuellement. Aussi pour faire la démonstration que ce secteur d’activité est en attente d’innovation pour faire évoluer ses pratiques et répondre aux enjeux du moment.

La Société Forestière
La Société Forestière est un acteur de référence dans la gestion forestière et la valorisation des actifs naturels. Alliant expertise forestière et savoir-faire financier, elle accompagne les investisseurs, propriétaires et institutions publiques dans la gestion durable et performante de leurs forêts et de leurs investissements liés aux ressources naturelles. Six agences régionales gèrent près de 300 000 hectares de forêts en France.


En compagnie d’Amaury Janny, Responsable Innovation de la Société Forestière, et de Vincent Gouin, responsable de la Coopérative Forestière CFBL, les participants s’immiscent en couvert forestier où leur sont présentés les enjeux de la filière « De la graine à la planche ». La trajectoire de cette approche met en lumière la compétence de la société en matière de semis, de la collecte sélectionnée et qualifiée de graines au sein de peuplements forestiers matures et labellisés, à l’accompagnement de la croissance de l’arbre en pépinière jusqu’à sa plantation dans le cadre de reboisement. Un schéma de production complet et autonome similaire à l’approche des grandes cultures, rendant les transferts possibles d’une filière à l’autre. « On adapte la plante au sol en forestier, ce qui est différent à l’agriculture où on peut adapter le sol aux plantes aussi », A. Janny.
Les enjeux actuels de la filière bois-forêt sont nombreux, variés et impulsent des besoins d’innovation important. Comme dans les autres secteurs, Amaury souligne les « Grands enjeux de l’IA en forêt, pour la reconnaissance d’image, l’évaluation des marchés, etc. ». Nous en retiendrons deux pour illustration ; pour en savoir davantage sur le service « forêt & bois » d’AgrOnov, contactez-nous (Sirine Ben Hamed : 06 73 05 18 15 – sirine.benhamed@agronov.com)
- Le changement climatique induit la nécessité de veille climatique spécifique des milieux forestiers pour accompagner la plantation d’essences adaptées. « Face au changement climatique, nous avons tous intérêt à s’associer », A. Janny.
- La nécessité essentielle de la prise en compte de la biodiversité et du fonctionnement naturel des écosystèmes en utilisant des solutions naturelles. « Faire de manière plus raisonnable et humaine », A. Janny.

>> Un exemple d’innovation forestière : lumière sur Sherpaz
L’innovation efficiente a ses exigences : répondre à un besoin de terrain concret, monter en compétence pour faire évoluer ses pratiques et ses connaissances, respecter la biodiversité et le fonctionnement naturel des écosystèmes, optimiser et soulager le travail humain, sont autant de vecteurs essentiels à l’innovation. « On n’a pas peur de l’échec ; en forêt il faut aussi savoir se planter », A. Janny.
Ainsi est né Sherpaz, petit chenillard qui permet une intervention mécanisée en forêt à impact réduit et facilitateur de logistique technique. Ce prototype est une innovation au service de la filière forestière et agroforestière, né d’une collaboration entre les Pépinières Naudet et la Société Forestière, co-propriétaires de cette innovation, et conçue en partenariat avec Apic Design.
Le Sherpaz, un chenillard tout terrain télécommandé à motorisation électrique, a été conçu pour répondre aux défis de la filière forestière et de l’agroforesterie en matière de portage. Il permet de transporter facilement les jeunes plants, tuteurs, protections, ainsi que les matériaux pour le paillage et les agrafes. Grâce à sa plateforme adaptable et ajustable, il peut être utilisé dans une multitude de configurations pour répondre aux besoins spécifiques de chaque terrain. Il est un allié précieux dans la gestion durable et respectueuse des espaces naturels.


L’invitation est lancée : la gestion forestière est en besoin d’innovation, la meilleure approche pour la concevoir est celle de la compréhension du milieu forestier. Rendez-vous dans les bois ! « Pour pénétrer le marché, il faut connaitre les gens ; se connecter à la ressource pour mieux innover. Avec AgrOnov, ce qui marche bien, c’est que c’est simple et bénéfique ; on s’y retrouve facilement », A. Janny.


Les Pépinières Naudet
Depuis 1876, les Pépinières Naudet sont une entreprise familiale, leader français du reboisement et première pépinière forestière française. L’expertise des Pépinières Naudet est également engagée vers la décarbonisation. Le pôle agroforestier de Leuglay (21) s’étend sur 50ha et décombre 22 000 arbres plantés.
Des cas pratiques sont présentés pour illustrer la diversité des problématiques liées à l’agroforesterie en regard de la diversité des schémas de plantations. Claude Davaine, chargée de mission bocage-agroforesterie pour Les Pépinières Naudet, mène la visite.


>> Un verger agroforestier
La découverte de la plateforme s’amorce avec la découverte d’un verger, entouré d’un ensemble de haies doubles bocagères. La grande diversité des essences présentent dans les haies permet de maximiser la biodiversité et de développer la résilience naturelle de l’aménagement agroforestier. Cette résilience est indispensable dans notre contexte actuel de changement climatique, qui pose de nouveaux enjeux vis-à-vis de la production fruitière. La protection des fruitiers face à la pression des ravageurs et le gel nécessitent notamment de nouvelles solutions alternatives aux actuelles polluantes et impactantes pour la biodiversité.
Claude Davaine précise que ce pré-verger est intéressant pour illustrer concrètement les choix possibles des agriculteurs : « entre sélection de variétés anciennes taillées en gobelets à hauteur humaine et facilité d’entretien du pré au tracteur, cet espace est le témoin parfait de la réalité complexe de l’agroforesterie, entre volonté et faisabilité ».

>> Le cas pratique d’une truffière
Suite à la plantation d’une truffière ; la patience est de mise, l’entrée en production est d’une décennie. La truffe est un champignon difficile à implanter et requiert des conditions de naturalité optimales pour entrer en symbiose avec l’arbre. L’échange est vertueux et interdépendant ; l’arbre produit le sucre dont se nourrit le champignon, le champignon favorise l’absorbation des minéraux dont se nourrit l’arbre. À l’inverse de la truffe du Périgord qui apprécie les terrains secs et ensoleillés, la truffe de Bourgogne demande de l’ombrage et de l’humidité. La production de truffes a elle aussi son lot de questions de recherche : développement de substrats pour faire entrer la truffière en production plus tôt en production, comparaison de système d’irrigation goutte-à-goutte ou par aspersion …
La question se pose ouvertement en fin de visite : pourquoi s’engager dans un projet d’agroforesterie ? Les vertus sont sociales et environnementales, la vision sur le long terme est également économique et agronomique.
- Créer un microclimat tempéré favorable aux parcelles agricoles, maintenir l’humidité dans les sols ;
- Favoriser le retour de la biodiversité et encourager la remise en continuité naturelle d’écosystèmes fonctionnels ;
- Créer un agrosystème résilient et fonctionnel
- Améliorer la vie des sols en les nourrissant naturellement avec l’apport régulier de matière organiques (branche morte, feuille) ;
- Créer et dynamiser du lien social en échangeant avec ses voisins, en mutualisant des projets ;
- Participer la valeur paysagère des campagnes.
« Notre objectif est bien d’accompagner au mieux les agriculteurs qui souhaitent se lancer dans l’agroforesterie en apportant des réponses techniques à leurs questionnements agricoles et économiques pour leur permettre de faire les meilleurs choix adaptés au contexte de leur exploitation. La plateforme de Leuglay nous apporte une expérience importante pour ce faire », C. Davaine.


>> Témoignage de Pascal Tatigny
Pour illustrer concrètement la thématique, la Pépinière Naudet a invité Pascal Tatigny, agriculteur à Chaignay en Côte-d’Or (21) et invité permanent au Conseil d’Administration d’AgrOnov, qui s’est lancé en 2019 en agroforesterie. Il gère une exploitation de 50ha en agriculture de conservation des sols, qui associe des céréales, des protéagineuses et des prairies de fauches temporaires. En 2019, il engage son exploitation dans une transition vers l’agroforesterie pour la rendre plus vertueuse et respectueuse de l’environnement, tout en y intégrant un maximum de biodiversité pour un contrôle naturel des parasites présents dans les parcelles. Son rêve, proposer une agriculture biologique et de conservation des sols. Pour ce faire, Pascal souhaite intégrer des arbres et des haies dans son système de production pour améliorer la résilience et l’efficience de l’exploitation. Les plantations sont encore jeunes, mais déjà la présence d’insectes auxiliaires comme les Coccinelles, les Carabes, les Syrphes et d’insectes pollinisateurs illustrent la transition en cours. Les haies commencent à limiter l’érosion éolienne et participent à la restauration d’une qualité paysagère diversifiée. « La croissance de l’arbre est longue ; l’agroforesterie est un pari sur le temps long », P. Tatigny.
L’agroforesterie représente actuellement 2% de la surface agricole utile (SAU), soit 2 à 3ha de l’exploitation de Pascal Tatigny : c’est un pari sur l’avenir et pour les générations à venir. La philosophie chinoise a laissé ce proverbe : « Le meilleur moment pour planter un arbre était il y a 20 ans. Le deuxième moment, c’est maintenant ».



Article rédigé par Carine DUTHU, Responsable communication et évènementiel AgrOnov carine.duthu@agronov.com